Sur le manque de confiance en soi

 

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Munch, the dead mother

Je ne parlerai pas de la confiance en soi, seulement du manque. Ne pas avoir confiance en soi c’est se sentir faillible. Mais que désigne-t-on concrètement quand l’on dit que nous n’avons pas confiance en nous ? «  Je manque de confiance en moi » se traduit par « ma raison, ma capacité de juger, doute de mes facultés pour réaliser une chose déterminée ». En d’autres termes le manque de confiance en soi est une tentative de scinder son être en deux, une dichotomie qui fragilise l’individu en ce qu’elle rend le terrain de l’âme peu stable. Une partie de moi juge une autre partie, et en ce qu’elle juge cette autre partie comme indigne, elle voudrait s’en séparer ontologiquement, l’exclure de l’individu que nous sommes parce qu’elle la considère comme ignominieuse. Seulement elle est incapable de procéder ainsi car c’est comme-ci elle tentait de s’arracher à elle-même. 

Maintenant pourquoi un individu en arrive t-il à se sentir faillible et comment ce manque de confiance se traduit-il ? Je remarque que le travail de définition pourrait ici entrer dans un cercle sans fin. Par exemple, le timide n’a pas confiance en lui, celui qui n’a pas confiance en lui manque d’estime, le manque d’estime conduit à la timidité, etc. Il faudrait en fait définir chacun des termes et repérer les critères exclusifs à l’un des concepts qui ne se retrouvaient pas dans les autres. La conséquence serait à mon avis d’une pauvreté conceptuelle. Il ne resterait plus rien pour remplir nos définitions. C’est que la réalité ne soucie pas des catégories. 

Une amie suggérerait que le manque de confiance en soi provenait essentiellement de l’écart entre la réalité et l’idée que l’on se fait de cette réalité. En ce sens l’on projette sur le monde un idéal que l’on ne parvient pas à atteindre, car inatteignable, et que l’échec répété vers ce but chimérique déstabilise l’individu ayant pour conséquence ce manque de confiance en soi. En résumé le manque de confiance viendrait d’un dénie de réalité. Mais bien malin est celui qui pourra affirmer sans argumenter que lui connait la réalité et que les autres l’ignorent. Les idées agissent comme un carburant permettant aux moteurs de transformer le monde. Toutefois, dans la  continuité de cette proposition, la philosophie stoïcienne nous incite à accepter que ce qui est en notre portée et de ne point s’occuper des choses dont on ne peut rien changer, et ainsi être en mesure de vivre l’âme en paix. Seulement cette conception psychologisante exclut un certains nombres d’autres facteurs à prendre en compte. 

La psychologie reconnait aujourd’hui l’effet Pygmalion, c’est-à-dire l’incorporation comme une vérité d’un préjugé. Par exemple, un enfant qui se sera entendu dire des centaines de fois dans sa jeunesse qu’il est un bon à rien considéra pour vérité cette sentence qui se traduira par un manque cruel de confiance en lui encore à l’âge adulte. Point d’écart ici entre l’idéal et le réelle mais une simple incorporation psychologique, comme une deuxième peau construisant l’individu selon une détermination précise. Il est difficile de redonner de l’estime de soi à une jeune femme qui en a été privée toute son enfance.  

J’ai été confronté plusieurs fois à une même situation, celle d’un enfant qui par maladresse faisait du mal à un de ses camarades, mais qui craignant la dispute de l’adulte, préférait se mutiler lui-même devant l’autre marmot comme pour essayer de compenser et de réparer sa pauvre bêtise et de diminuer les pleurs du blessé. En agissant ainsi il pense que par sa peine l’autre cessera de gémir n’attirant plus ainsi le courroux de l’adulte. Mais dans quelle camps est la véritable bêtise ici, chez celui qui blesse parce qu’un  peu bourru et emporté, souvent plein de vie et d’énergie mais parfois revêche, ou chez le braillard qui fait peser la menace des pleurs suite à l’accident pour obtenir dédommagement ? Les larmes sont ici le stratège du faible pour priver le fort de sa vigueur. Bonjour monsieur Nietzsche, je m’écarte.  

J’ai pris pour habitude de revenir à ce corps animal au fondement de l’homme. Peut-être qu’un observateur qui nous regarderait de la même manière que nous regardons les autres animaux ne verrait entre nous que des rapports de force et de soumission. Aussi le manque de confiance serait la marque du faible. Je note toutefois la limite de cette idée en ce que le béhavioriste se limite à la vue des choses, ne comprenant point réellement les sentiments qui animent les individus. Pourrait-on inventer une psychologie animale ? Un animal peut ne pas avoir confiance en un autre animal, mais sait-on si un animal peu manquer de confiance en lui ? Il semblerait que ce peut être le cas chez de grands mammifères comme les éléphants, mais aussi chez les canidés. Nul idéal ici, juste un critère animal.

08/09/2018

4 commentaires sur “Sur le manque de confiance en soi

  1. Belle réflexion, je me demandes si la pauvreté a un lien avec l’effet pygmalion, j’aimerais avoir vos commentaires à ce sujet sur des articles publiés sur mon blog. Merci.

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    • Merci a vous.
      Je vais lire votre blog.
      Votre question en tant que telle demanderait de vraies études psycho-sociologiques.
      Mais je suppose qu’en tant que processus psychologique l’effet pygmalion concerne tout niveau social. Pourtant il n’aura pas les mêmes consequences. Un enfant de milieu aisé a qui l’on répète qu’il est un bon a rien aura quand même un niveau de vie des plus correctes, sa famille garantissant sa situation matérielle. Inversement un enfant à qui l’on dit qu’il est le meilleur mais provenant d’un milieu pauvre risque de rapidement déchanter quand il verra le monde résister à son ambition. Sans doute est-il un élément a prendre en compte, mais son influence est plus importante en terme de bien être qu’en terme de réussite sociale.
      Ma réponse reste de l’ordre de la supposition.

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  2. Ce dont vous me parlez sur le bien-être pourrait peut-être être mis en lien avec la pyramide de Maslow en psychologie, théorie dont je m’inspire sur un projet en ce moment. Je vous remercie de votre réponse et n’hésitez pas à me faire part de vos propos sur mes articles ! Merci. 🙂

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